Narmer / Ménès

Remontons très loin dans l'Histoire, aux sources de l'Egypte, à la fin du quatrième millénaire avant notre ère. C'est le tout au début de l'institution pharaonique avec l'unification de l'Égypte antique.

 

Celle-ci était jusqu'alors divisée en deux royaumes distincts, celui du Nord (la basse Egypte) et celui du Sud (la haute Egypte). La tradition attribue leur réunification au roi Narmer. Celui-ci ne fait pas partie de la première dynastie des pharaons, il généralement classé dans la période prédynastique (appelée la dynastie 0).

 

Une des représentations connues de Narmer figure sur cette pièce d'archéologie, connue sous le nom de "palette de Narmer" qui porte des hiéroglyphes parmi les plus anciens connus.

 

 

L'identité de Narmer suscite le débat. Beaucoup d'égyptologues l'assimilent à Ménès, fondateur de la première dynastie thinite. Les historiens estiment aussi que l'unification de l'Egypte aurait été très progressive et se serait déroulée sur plusieurs siècles. Son aspect guerrier est également sujet à caution, aucun support archéologique ne venant le confirmer. Pas simple de s'y retrouver ...

 

Narmer venait du Soudan, au Sud de l'Egypte actuelle. Il était donc très probablement de type négroïde. 

 

 

Pour continuer la recherche historique, la double couronne : à l'origine, deux royaumes donc deux couronnes : la rouge (désehret) est celle de la Basse Egypte, la blanche (hedjet) celle de la Haute Egypte.

Unification des deux royaumes, fusion des couronnes : la blanche vient s'emboîter dans la rouge pour former la double couronne, le pschent, symbole de l'union des deux terres.

Le pharaon Ptolémée VIII couronné du pschent par Nekhbet (déesse de Haute-Egypte) et Ouadjet (déesse de Basse-Egypte)
Le pharaon Ptolémée VIII couronné du pschent par Nekhbet (déesse de Haute-Egypte) et Ouadjet (déesse de Basse-Egypte)

Il existe d'autres coiffes égyptiennes : le khéprech (la couronne bleue portée par Ramses II) ou le némès (représenté sur le célèbre masque de Toutankhamon).

Venons-en à notre figurine !

 

Art Girona et Adriano Laruccia proposent, sous deux références différentes, les deux versions de Narmer, avec l'une ou l'autre des deux couronnes antiques. Ce qui est conforme à la palette de Narmer mentionnée plus haut.

 

Mais je trouvais dommage de passer à coté du symbole de la réunification de l'Egypte. Après les recherches précédentes, et compte-tenu de l'assimilation de Narmer et de Ménès, j'ai choisi de représenter la double couronne, d'où une petite modification de la pièce d'origine. 

Avant tout, élimination des joints de coulée, ponçage, polissage, perçage et mise en place de pitons métalliques pour renforcer les assemblages ... Rien de très original. Une petite image de l'ensemble du matériel utilisé pour ce faire. Tout est bien rangé mais ça va changer !

Après quelques heures de travail, c'est le b....l complet. Mais la figurine est assemblée, les joints ont été mastiqués, les trous sont percés dans le socle et les empreintes des pieds sont prises pour le futur décor.

C'est prêt pour la peinture, après quelques photos et un bon nettoyage de l'établi !

Et en gros plan la transformation de la couronne. L'ornement est totalement fantaisiste ; il sera remplacé plus tard !

Pour terminer cette préparation, 3 couches de peinture Humbrol gris mat n°28, diluée au WS jusqu'à avoir la consistance du lait, constituera une excellente base.

Première ébauche de couleurs à la peinture Humbrol.

La peau

 

Narmer/Menes était donc noir de peau. Pas trop l'habitude de ce type de carnation et pas de recette toute faite dans les cartons, il va falloir chercher un peu, chouette !

 

J'ai choisi de procéder en 2 étapes.

 

Pour la première, une peau tout à fait classique, de type européen un peu sombre. Ce premier passage va servir de base pour la suite, en donnant du contraste entre les zones éclairées et les zones plus sombres.

Après un séchage accéléré par un passage au four (30 mn à 90°C), je peux passer à la seconde étape.

 

Après avoir examiné plusieurs photos d'éthiopiens, j'ai composé les 2 palettes suivantes. Les couleurs sont prélevées avec un couteau à peindre, dégraissées sur une bande de papier journal puis placées sur la palette. Mélanges au cure-dent.

  • TOB-WN : terre d'ombre brûlée Winsor-Newton
  • TSB-WN : terre de Sienne brûlée Winsor-Newton
  • JCF-WN : jaune de cadmium foncé Winsor-Newton
  • BT-S : blanc de titane Sennelier

 

 

  • BI-R : bleu indigo - Rembrandt
  • TOB-OH : terre d'ombre brûlée - Old Holland
  • VB-LB : violet de Bayeux - Lefranc et Bourgeois
  • OO-R : ocre d'or - Rembrandt
  • TSB-WN : Terre de Sienne brûlée - Winsor-Newton

 

 

La peinture est effectuée en 2 étapes bien distinctes :

 

1 - Je commence par appliquer un glacis* sur tout le personnage avec les deux couleurs sombres de la palette B ):

  • B1 sera donc l'ombre la plus profonde
  • B2 sera la couleur de base de la peau

* : un glacis c'est (à mon sens) une couche de peinture, fine et non diluée, qui laisse      apparaître par transparence  la couleur qu'elle recouvre. Ici je récupère donc les        ombres et les lumières crées lors de la première couche.

 

2 - Puis, dans le frais, je pose des lumières et des reflets avec les deux couleurs claires A1 puis A2. Je les pose en petites tâches que je fonds soigneusement. J'intensifie si besoin en reprenant ce travail à plusieurs reprises

 

Voici le résultat obtenu. La recette semble bonne !

La finition consistera à intensifier les contrastes en apportant des nuances :

  • de rouge-orangé sur la parties éclairées
  • et de noir-violet dans les ombres.

La tunique

 

Elle sera de couleur blanc sale. Un pré-ombrage des plis a été réalisé dès le départ à la peinture Humbrol. Mais je ne suis pas certain qu'il serve à quelque chose ...

 

La palette est composée de blanc de titane, de TOB et d'une bonne pointe de noir d'ivoire. Le "secret" du blanc est de partir d'une base sombre qu'on éclaire progressivement. 

 

Résultat après la première couche à peine sortie du pinceau (c'est pas sec, donc ça brille mais ça va se matifier tout seul) .

 

Après séchage, un second passage permettra d'augmenter les contrastes en relevant les blancs.

Quelques détails avec la ceinture et ses ornements.

 

La gravure de la ceinture est très fine. Pour la faire ressortir sans empâter tous les détails, ma méthode est la suivante :

  • une base claire (Humbrol Matt 61, bien diluée - voir les premières photos) ;
  • 2 jus de TOB successifs pour souligner les creux ;
  • après séchage, un léger brossage à sec en ocre clair pour relever les reliefs ;
  • et encore un ou deux jus de TOB et de noir d'ivoire.

 

Même principe pour l'ornement frontal et le filet porté sur le côté, avec un petit plus :

  • Les perles sont finies à la pointe d'un pinceau bien affuté ;
  • Les mailles du filet sont travaillé avec la tranche du même pinceau.

 

Sur les photos qui suivent, la ceinture n'est pas terminée ...

La couronne rouge et blanche ne présente pas de difficulté. L'ornement, réalisé en fil de cuivre, sera installé plus tard pour ne pas gêner la peinture du blanc.

 

La palette du rouge de la couronne, du plus clair au plus foncé (couleurs dégorgées sur du papier journal comme montré plus haut)

  • le plus sombre : RC foncé R + TOB WN + une pointe de vert anglais n° 2 LB
  • l'intermédiaire : RC foncé R + RC moyen R
  • le plus clair  : écarlate de cadmium WN

 

 

Le collier est peint selon le principe décrit plus haut.

 

 

Enfin la massue est en pierre (il y a 5000 ans le métal était encore très rare, le cuivre a été découvert à peu près à cette époque par les égyptiens dans le Sinaï).

Retour sur le décor.

 

J'ai tenté de suggérer le bord d'un oued asséché, avec des plaques de terre rougeâtre craquelée sous la chaleur du soleil.

 

Les plaques sont faites à partir d'une couche de Milliput Terracotta travaillée à l'aiguille. Les bordures des plaques doivent se redresser légèrement alors que leur centre est un peu creusé. Un petit travail sympathique !  

 

Quelques graviers, un peu de sable et une touffe d'herbe fixés à la colle blanche diluée viennent compléter ce petit décor. La peinture fera le reste.

L'affaire touche à sa fin. Résumé en accéléré ...

Et voici la figurine terminée.

 

En conclusion, c'est encore une bien belle pièce qui nous est proposée dans cette série. Toute simple mais de belle prestance. Et un prétexte pour s'intéresser aux origines assez peu connues de l'Egypte des pharaons.  

 

Vous pourrez mettre à profit les temps de séchage de la peinture en vous plongeant dans l'histoire romancée de la naissance de l'Egypte, avec la trilogie de Christian Jacq qui vous procurera de passionnantes heures de lecture : "Et l'Egypte s'éveilla", et où vous retrouverez Narmer avant qu'il ne devienne Menes.

 

Autre excellente lecture :-) dans le numéro 114 de notre revue préférée !

 

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Commentaires: 3
  • #1

    Duck (lundi, 08 février 2016 19:59)

    Hello Jean-François, une figurine simple et magnifiquement peinte; le contraste de la carnation et du vêtement est superbe...un vrai régal.

  • #2

    Bernardo (mardi, 09 février 2016 15:26)

    Une très belle réalisation. Une de mes préférés !!!

  • #3

    Papouille (dimanche, 20 mars 2016 01:35)

    Très belle carnation, et adjustable vers le plus sombre, nubien, par exemple !! ou plus clair, pour l'ottoman !! Merci